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DYSLEXIE
Les enfants
malades des mots
Mise en ligne :
14 janvier 2003
En France, 600 000 écoliers environ souffrent de dyslexie. Un handicap qui plonge les enfants dans la spirale de l’échec scolaire et laisse les parents dans le désarroi. Pourtant, la dyslexie se rééduque, et bien. Encore faut-il la dépister le plus tôt possible. En Meurthe-et-Moselle, des outils de prévention ont été mis en place ; à Reims, un service hospitalier pluridisciplinaire a été créé. Et partout, les familles se regroupent. En attendant que l’Etat s’empare de ce problème.
En
France, on estime que 8 à 10 % des enfants souffrent de troubles du langage.
Perdus dans les sons et les mots, hermétiques à la grammaire et parfois
maladroits, ces écoliers sont souvent étiquetés paresseux ou mauvaises têtes,
abonnés au zéro en dictée, et relégués au fond de la classe... Ces enfants, par
ailleurs intelligents, entrent alors dans la spirale de l’échec scolaire.
Certes, tous ne sont pas dyslexiques.
« Mais on sait qu’une dyslexie sur trois est précédée d’un retard de langage »,
souligne le Dr Anne Vielh, du centre de rééducation de Flavigny, en
Meurthe-et-Moselle, où une classe spécialisée accueille des enfants
dysphasiques. Dyslexie, dysphasie ? De quoi en perdre son jargon... Selon
l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (Anaes), la dyslexie
se définit par « un déficit durable et significatif du langage écrit qui ne peut
s’expliquer par une cause évidente ». En clair, sont dyslexiques les enfants
ayant des difficultés avec la lecture et l’écriture, et dysphasiques ceux qui
ont des problèmes avec le langage oral.
Mais, pour arriver à ce diagnostic, il faut qu’un dépistage efficace soit mis en
place. « Nous avons aujourd’hui les outils pour pratiquer un dépistage
systématique et précoce. Mais cela suppose qu’une formation soit dispensée aux
enseignants et aux médecins, laquelle fait encore défaut », souligne Brigitte
Roy, orthophoniste. Dès 1992, en collaboration avec Christine Maedec,
orthophoniste, des pédiatres et des médecins de la Protection maternelle et
infantile (Pmi) de Meurthe-et-Moselle, elle a mis au point un outil de
prévention adapté pour les enfants de quatre ans, appelé Ertl4 (épreuves de
repérage des troubles du langage chez les enfants de quatre ans). « Quatre ans
est un âge idéal pour dépister les retards et les troubles du langage. A cet
âge, un enfant sur six souffre d’un retard dans l’acquisition du langage qui va
mettre en danger son avenir scolaire, professionnel et social », précise-t-elle.
L’échec scolaire n’est pas une fatalité
Depuis plusieurs années, les enfants de maternelle de Meurthe-et-Moselle
bénéficient d’un dépistage systématique des troubles du langage dans le cadre
des bilans de santé réalisés par les services de la Pmi. Précurseur en matière
de prévention, le département n’a pas attendu les recommandations du plan
national d’action pour les enfants atteints de troubles spécifiques du langage,
présenté il y a deux ans par Jean-Charles Ringard, inspecteur de l’Education
nationale. « Notre mission va au-delà de la prévention. Le dépistage doit se
faire parallèlement à des actions de promotion du langage et à des mesures de
prise en charge », insiste le Dr Marie-Christine Colombo, médecin territorial de
la Pmi.
En Meurthe-et-Moselle, un outil comparable à Ertl4 a été élaboré avec les
pédiatres et les médecins scolaires pour les enfants de six ans. La visite
médicale des écoliers à l’entrée du cours préparatoire permet au médecin de
repérer les enfants qui ont des difficultés d’apprentissage. « Je me souviens de
Clément, élève de CP depuis un mois. Ni la maîtresse ni la maman n’avaient
remarqué un quelconque problème chez lui. L’examen clinique était tout à fait
normal. A la fin de la consultation, je lui ai présenté les jeux-tests de
repérage des troubles du langage et des apprentissages. Il a échoué sur sept
épreuves phonologiques. Il est dyslexique. Depuis, il est en rééducation
orthophonique et fait d’énormes progrès », raconte un pédiatre nancéien.
On l’aura compris : pour que les enfants en difficulté ne restent pas sur le
bord du chemin, médecins et enseignants doivent être sensibilisés et formés.
« Les actions du plan national concernent essentiellement les enfants ayant un
trouble spécifique avéré, comme la dyslexie. Or 10 à 15 % des enfants présentent
un retard de langage qui ne relève pas de la dyslexie. Ces petits ont un langage
pauvre et restreint dû à des facteurs environnementaux », poursuit
Marie-Christine Colombo. Pour pouvoir agir encore plus tôt, les assistantes
maternelles, les puéricultrices, les sages-femmes et le personnel d’accueil des
Pmi de Meurthe-et-Moselle ont été formés.
Un outil de
dépistage des troubles du langage pour les enfants de moins de quatre ans vient
d’être créé. Dialogoris, c’est son nom, permet de lister les facteurs de
risques. Par de petites questions anodines posées aux mamans, on peut voir si le
langage se met bien en place, si la maman parle à son bébé, favorise les
échanges verbaux...
« La
stimulation doit être faite à l’école, mais aussi chez la nounou, à la garderie
et, bien sûr, au sein de la famille. Aujourd’hui, nous avons les outils pour
qu’un enfant ne soit plus en situation d’échec scolaire avant même d’être allé à
l’école », conclut Marie-Christine Colombo. La formule « échec à l’oral, mat à
l’écrit » ne doit plus être une fatalité.